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L'OCTROI DES MOTS-GENTLY GIVEN WORDS
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13 octobre 2012

Extrait de " Le livre de l'intranquilité", Pessoa.

"Entre la fin de l'été et la venue de l'automne, dans cette période encore estivale où l'air nous pèse et les couleurs s'adoucissent, les fins d'après-midi se revêtent d'un costume sensible de fausse gloriole.Elles sont comparables à CES ARTIFICES DE L'IMAGINAIRE (c'est moi qui souligne) où nos regrets ne portent sur rien, et se prolongent indéfiniment comme le sillage des navires se succédant pour reformer toujours le même long serpent.

Par ces après-midi je me vois empli, comme la mer à marée haute, d'un sentiment pire que l'ennui mais auquel ne convient aucun autre nom que celui d'ennui- un sentiment de désolation sans lieu précis, de naufrage de l'âme toute entière.Je sens que j'ai perdu un Dieu complaisant, que la Substance de toute chose est morte désormais.Et l'univers sensible est pour moi un cadavre, que j'ai aimé quand il était la vie ; mais tout s'est transformé en rien, dans la lumière ecore chaude des derniers nuages colorés, chatoyants.

Mon ennui prend des allures d'horreur ; ma lassitude est de la peur.Ce n'est pas ma sueur qui est froide, mais bien la conscience que j'en ai.Ce n'ai pas un malaise physique mais un malaise de l'âme, si grand qu'il pénnètre les pores du corps tout etier et l'inonde à son tour.

Ce dégoût est si grand, et si puissante l'horreur d'être vivant, que je ne puis rien concevoir de lénitif, d'antidote, de baume ou bien d'oubli.Dormir me fait horreur au plus haut point.Mourir me fait horreur au plus haut point.Avancer, m'arrêter sont une même et impossible chose.L'espérance et l'incrédulité se valent toutes deux, faites de froid et de cendre.Je suis une étagère de flacons vides.

(...)Je ne sais ce que je veux ou ne veux pas.Je ne sais plus vouloir, je ne sais plus comment l'on veut, je ne connais plus les émotions ou les pensées qui nous font normalement savoir ce que nous voulons, ou que nous voulons vouloir.Je ne sais qui je suis, ni ce que je suis.Je gis-comme enterré sous une muraille écroulée sur moi-sous le néant soudain effondré de l'univers entier.Et je vais ainsi, suivant mon propre sillage, jusquà ce que la nuit arrive enfin, et m'apporte cette caresse de me sentir différe`nt, ondulant comme une brise sur ce DEBUT D'IMPATIENCE CONTRE MOI-MEME.(c'est moi qui souligne).

Et cette lune large et haure dans le ciel, par ces nuits paisibles, toutes tièdes d'angoisse et d'intranquilité !La paix sinistre de cette beauté célèste, l'ironie froide de cet air chaud, d'un noir bleuté, tout embrumé de lune, tout timide d'étoiles".(Fernando Pessoa, "Le livre de l'intranquilité, pp 203-204, ed. Christian Bourgois).

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